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Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/173

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LIVRE TROISIÈME

Ces germes, dans le corps répandus en tous lieux,
Assurent sa durée et soutiennent sa trame ;
Car des liens profonds soudent le corps à l’âme,
Nœuds qu’on ne tranche pas sans dommage commun.
Qui peut d’un grain d’encens isoler son parfum,
Sans supprimer l’objet dont l’arôme est l’essence ?

C’est ce que sont au corps l’âme et l’intelligence ;
L’ensemble se dissout quand le faisceau se rompt.
Tant un accord étroit, primordial, confond
Comme leurs éléments leur fortune jumelle !
Ni l’âme ni le corps sans aide mutuelle
Ne pourraient, séparés, atteindre au sentiment.
340De leur concours actif sort ce rayonnement
Vital, centre de l’être et flambeau du système.

Le corps n’est rien sans l’âme. Il n’a point en lui-même
De quoi naître et grandir et survivre à la mort.
L’eau peut ne pas changer quand la vapeur en sort
Et rendre sans périr ce que le feu lui donne,
Autre est la loi du corps. Quand l’âme l’abandonne,
Il succombe, entraînant tous ses ressorts pourris.
C’est que, dès le principe, ensemble ils ont appris
Ce concert d’actions dont la vie est la somme
Et qu’au sein maternel, dans le moule où naît l’homme,
On ne briserait pas sans les tuer tous deux.
Ainsi, perte et salut, tout est commun entre eux ;
Comment donc contester leur parenté native ?
Refuser à la chair la vertu sensitive,
Dans l’âme éparse en nous voir l’unique ferment