Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/229

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Oui, le même aliment est aux uns nourriture
Et pour d’autres poison. Le contraste est frappant.
660Quand la salive humaine a touché le serpent,
Il meurt, et de ses dents lui-même il se dévore.
C’est pour l’homme un venin mortel que l’ellébore ;
Et la chèvre et la caille y trouvent l’embonpoint.
Maintenant, si tu veux t’éclairer sur ce point,
Tu te rappelleras ce que j’ai dit des types
Et des combinaisons sans nombre des principes.
Tous les êtres mangeants ont un aspect distinct ;
Le type de leur race en leurs traits est empreint.
C’est donc que ce contraste extérieur révèle
Les états variés de la trame charnelle.
Les éléments toujours laissant du vide entre eux,
Il faut que les chenaux de ce réseau poreux,
Plus petits ou plus grands, soient d’inégale entrée.
Ici triangulaire, ailleurs ronde ou carrée,
Ou quels qu’y soient des plis le nombre et les rapports,
Dans la bouche et la langue autant que dans les corps
La forme des conduits répond à la figure,
À l’ordre, aux mouvements, à l’intime structure
Des éléments premiers qui cernent leurs parois.
680Ainsi le même suc, doux et rude à la fois,
Charme un palais qui livre à ses coulantes ondes
Des pores tapissés de molécules rondes,
Et déchire une gorge où d’anguleux détours,
L’accrochant goutte à goutte, en resserrent le cours.

Toute action du goût à ces lois se ramène.
Quand la fièvre nous tient, quand la machine humaine,