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LIVRE QUATRIÈME

Avant de nous toucher la senteur disparaît.
D’abord, du fond des corps elle monte à regret ;
Car elle jaillit mieux des choses, quand la trame
Est tranchée ou broyée ou livrée à la flamme :
Si profonde est la couche où se forme son cours !
720Enfin ses éléments sont plus épais, plus lourds
Que ceux du bruit : un mur les rompt et les disperse,
Obstacle que la voix communément traverse.
Ce n’est pas sans effort qu’on trouve et qu’on induit
Le lieu d’où vient l’odeur et ce qui la produit.
La messagère hésite, et sur ses molles ailes
Les vents ont altéré la fraîcheur des nouvelles.
La piste même est vague et déroute le chien.
Ces effets des odeurs et des saveurs n’ont rien
Qu’en leurs impressions les autres sens n’éprouvent.
Les couleurs, par exemple, et les images trouvent
Des yeux mal disposés et que blesse leur choc.
Ainsi le fier lion tremble devant le coq ;
Et pris d’effroi subit, dès que l’oiseau sonore
De sa voix éclatante a réveillé l’aurore
Et d’un battement d’aile a dissipé la nuit,
Le monstre au bond puissant se détourne et s’enfuit.
C’est que du coq sans doute émanent des images
Qui dans l’œil du lion n’entrent pas sans ravages.
Les traits sont si perçants, les coups si douloureux,
740Que toute sa fierté ne peut tenir contre eux.
Pourtant aux mêmes traits notre œil s’offre sans crainte ;
Soit que notre prunelle échappe à leur atteinte,
Soit que les éléments dans notre organe entrés
Trouvent pour en sortir des chemins assurés