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LIVRE QUATRIÈME

Oui, tout se passe ainsi, la preuve en est facile.
L’œil voit précisément ce que l’esprit conçoit ;
C’est donc à la façon des yeux que l’esprit voit ;
Et rien, fut-ce un lion, au regard ne se montre,
Sans qu’une image nette avec l’œil se rencontre ;
L’esprit, où se produit la même impression,
780Voit donc, tout comme l’œil, des spectres de lion,
Les mêmes, seulement cent fois plus diaphanes.
Si, lorsque le sommeil engourdit nos organes,
L’esprit reste éveillé, c’est grâce aux frêles corps
Qui déjà dans la veille agitaient ses ressorts.
C’est par eux qu’il croit voir les êtres que la terre
Et la mort pour jamais couvrent de leur mystère.

La Nature le veut. Anéantis, les sens
Dans leur profonde paix demeurent impuissants ;
La vérité n’a plus d’armes contre la fable
La mémoire aussi tombe, et la stupeur l’accable ;
Elle ne dément plus les rapports décevants
Qui du sein de la mort tirent ces faux vivants.
Ne sois pas étonné des gestes symétriques,
Des mouvements corrects de ces corps chimériques ;
Car nous les voyons tels que les songes les font ;
Un passage insensible amalgame et confond
L’image évanouie et celle qui la chasse ;
L’attitude a changé, l’image reste en place.

Mais pour ne rien omettre, il faut traiter ici
800Plus d’un problème obscur qui veut être éclairci.
Pourquoi l’âme, d’abord, sur l’heure évoque-t-elle