Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
198
DE LA NATURE DES CHOSES

Versent incessamment dans cette mer sans bords,
300Pour le leur rendre un jour, ce qui coule des corps !
Si les retours constants ne suivaient les sorties,
Toutes choses en air se seraient converties.
C’est donc, puisque la forme est un vase qui fuit,
Que l’air retombe et rentre en ce qui le produit.

Parlerai-je du jour, blancheur toujours nouvelle
Qui du foyer céleste incessamment ruisselle ?
La source intarissable épanche flot sur flot ;
La lumière nourrit la lumière. Il le faut :
À chaque jet qu’il tombe, il s’en perd quelque chose.
Lorsqu’entre terre et ciel la brume s’interpose,
Au dessous de l’écran tout à coup nous voyons,
Par cette ombre tranchés, s’éteindre les rayons
Et s’assombrir la place où passe le nuage.
Puis donc que l’éclat meurt au but de son voyage,
C’est qu’un flux toujours neuf doit baigner tout contour
Car rien ne se verrait sous le ciel si le jour
D’inépuisables feux n’alimentait ses urnes.

Nos terrestres clartés, nos lumières nocturnes,
N’ont pas plus de repos que l’astre lumineux.
320320Les lustres suspendus, les brandons résineux,
Qui d’éclairs pétillants parsèment leurs fumées,
Ne cessent d’agiter leurs langues enflammées.
Le feu presse le feu sans intervalle et suit
Si vite et de si près la clarté qui s’enfuit
Que l’accroissement comble incessamment la perte.
C’est ainsi que, puisant dans une source ouverte,