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LIVRE CINQUIÈME

Et qui subsiste libre, intact et permanent) ;
Le défaut absolu d’espace environnant
Où la dispersion éclate et se consomme
(C’est le fait du grand tout ; où recueillir la somme
Des univers ? Quels chocs la dissoudraient ; quels corps
Tomberaient sur ses flancs ? Rien n’existe en dehors) ;
Or, notre monde a-t-il cette unité solide ?
Non, puisque, tu le sais, sa trame admet le vide.
Cette inanité ? Non. Les corps ne manquent pas
Dont les noirs tourbillons puissent jeter à bas
Sa masse, et déchaîner sur ce vaste système,
Du fond de l’inconnu, la débâcle suprême.
À sa chute, à sa fuite enfin, à ce que perd
Sa force, l’infini de l’espace est ouvert
Où peuvent s’abîmer ses voûtes et ses astres.
Bien loin de leur fermer la porte des désastres,
À la terre, au soleil, aux cieux, aux océans
400La mort ouvre sans fin ses abîmes béants.
Ces choses, tu le vois, ont dû naître. Mortelles,
Du fond de la durée infinie auraient-elles
Jusques à nous porté le faix croissant des jours ?

Vois l’univers en proie aux obstinés retours
D’un combat corps à corps. Se peut-il qu’une chute
N’impose pas un terme à l’implacable lutte ?
Tous les feux, quelque jour, boiront toutes les eaux
Peut-être et, désormais sans éléments rivaux,
Auront conquis le but où leur force les porte.
Sans doute jusqu’ici leur œuvre immense avorte ;
Tant d’eaux la terre envoie au réservoir des mers,