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LIVRE CINQUIÈME
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Comment donc s’étonner que certains temps provoquent
La naissance ou la fin d’un astre, quand le temps
780A soumis tant de faits à des retours constants ?

De même encor l’éclipse admet plus d’une cause.
On nous dit que la lune opaque s’interpose
Entre la terre obscure et l’astre radieux
Et dérobe en passant la lumière à nos yeux.
Tout autre corps aussi, dénué de lumière,
Peut devant le soleil poser une barrière.
Le soleil peut lui-même étouffer par moment
Sa flamme, et retrouver tout son rayonnement
Après avoir franchi quelque région noire
Dont l’épaisseur hostile interceptait sa gloire.
Quand la lune s’éclipse, un obstacle pareil,
La terre, assure-t-on, passant sur le soleil,
Vient projeter sur elle un large cône d’ombre ;
Mais on peut recourir à tout autre corps sombre
Qui, voile entre la lune et le soleil jeté,
Coupe un instant la route au fleuve de clarté.
Et si la lune enfin luit de sa propre flamme,
Ne peut-elle en chemin rencontrer quelque trame
Qui l’entrave un moment et dévore ses feux ?
800Maintenant que tu vois comment les gouffres bleus
Ont pu donner naissance aux corps qui les habitent ;
Par quel pouvoir la lune et le soleil gravitent,
La force qui produit leurs révolutions ;
Pourquoi ces yeux du monde, éclipsant leurs rayons,
Livrent soudain la terre aux ombres qui la couvrent,
Et, fermés un moment, sur l’univers se rouvrent.