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LIVRE CINQUIÈME

Débiteurs accablés, aux vengeances des dieux.
Le consul éperdu, quand les vents furieux
L’emportent, sur les flots balayant ses galères
Avec ses éléphants et ses légionnaires,
Vers qui se tourne-t-il ? À qui ses vœux fervents
Demandent-ils la paix et la faveur des vents ?
Aux dieux, toujours aux dieux. Hélas ! souvent la trombe
Ne l’en saisit pas moins, ouvrant sous lui la tombe,
Pour le précipiter aux bas-fonds de la mort !
Quelle force cachée opprime ainsi le fort,
Foule aux pieds les faisceaux et les haches romaines,
Et semble se jouer des fortunes humaines ?
Quand la terre sous lui fléchit de toutes parts,
Quand tombent les cités, quand pendent les remparts
Croulants, quoi d’étonnant si l’homme se méprise,
S’il attribue aux dieux le pouvoir qui le brise
Et l’empire absolu de l’immense univers !

1300Passons. L’or et l’airain ont été découverts,
Comme l’argent, le plomb, le fer, et leurs usages,
Quand le feu sur les monts eut porté ses ravages ;
Soit que d’en haut la foudre aux forêts l’eût transmis.
Soit que, dans leurs combats des bois, les ennemis
De l’incendie entre eux jetassent les barrières,
Soit qu’aux herbes des prés, aux moissons nourricières
L’homme voulût ouvrir un sol qu’il jugeait bon,
Ou fermer sur sa proie une ardente prison
(Car, sans rets et sans chiens pour cerner les repaires,
La flamme et les fossés suffisaient à nos pères).