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LIVRE SIXIÈME

De ces deux artisans de discorde et d’orage ;
Il y faut le tumulte et la fureur des airs.
Soit que le printemps heurte au départ des hivers
Le retour des chaleurs, soit que le tiède automne
Oppose au froid naissant l’été qui l’abandonne,
La rencontre est pareille et le trouble est égal.
380La même inimitié mêle en un choc fatal
L’âpre hiver et l’été brûlant : lutte obstinée,
Conflits qu’on peut nommer les guerres de l’année.
Et comment s’étonner que des retours constants
Ramènent la tempête et la foudre, en un temps
Où la discorde intense incessamment amasse
Les flammes et les vents et les eaux de l’espace ?

Voilà comme on observe, et comme on peut savoir
De quoi la foudre est faite et quel est son pouvoir.
Quant à s’imaginer que sa flamme figure
Quelque décret divin, c’est affaire à l’augure
Qui, lisant à rebours des vers tyrrhéniens,
Cherche où, d’où, par où vont les feux aériens,
Et si des lieux fermés où leur trait s’insinue,
Ils ressortent vainqueurs pour rentrer dans la nue,
Enfin quel péril couve en ce fracas des cieux !
Eh ! si c’est Jupiter qui tonne, si les dieux
Lancent à leur caprice au travers des nuées
Le feu, le tremblement, les sinistres huées,
D’où vient l’impunité du crime heureux ? Pourquoi
400Aux flancs troués du monstre oublié par la loi
Ne font-ils pas vomir la flamme accusatrice,
Sévère enseignement à l’humaine justice ?