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LIVRE SIXIÈME

Les siens même ! et, blessant leurs marbres radieux,
Sombre viol ! changer en néfastes outrages
Les honneurs qui sont dus à ses propres images ?
Mais autant demander d’où vient que sur les monts
La foudre aime à s’abattre, et pourquoi nous trouvons
Sur les plus hauts sommets les marques de sa rage !

Passons. Il est encore une forme d’orage
Que, d’après ses effets, les Grecs nomment prèstèr,
440La trombe, qui d’en haut s’allonge vers la mer.
On voit glisser du ciel une épaisse colonne ;
Rudement secouée à l’entour, l’eau bouillonne
Sous le déchaînement fougueux de l’aquilon.
Et malheur au vaisseau pris dans le tourbillon !
C’est un fait naturel dont la cause est connue :
Quand le vent furieux n’a pu rompre la nue
Qu’il étreint, il l’étire en pilier qui descend
Vers l’onde, comme si l’effort d’un bras puissant,
Impérieux, d’en haut précipitait sa chute ;
Et le souffle vainqueur, irrité par la lutte,
S’engouffre, soulevant les flots tumultueux.
Il a suivi la nue en son cours tortueux ;
Sa force accroît le poids de ce long corps qui tombe ;
C’est pourquoi tout entier dans l’onde avec la trombe
Il plonge, et le fracas retentissant des airs
Monte en bouillonnements à la face des mers.

Parfois, s’enveloppant des voiles qu’elle amasse
Dans sa course à travers les vapeurs de l’espace,
La trombe vers nos champs s’incline et, sur le sol