Tire le noir bitume aux puissantes odeurs.
Que de feux elle exhale et que de funérailles
Pour celui dont le fer explore ses entrailles !
Son or et son argent sont des empoisonneurs.
Quelles faces, quel teint rapportent les mineurs !
Tu les as vus ; tu sais que plus d’un ne vit guère,
Qu’une rapide mort clôt le destin précaire
Des malheureux voués à de si durs labeurs.
Mais la terre ne peut garder tant de vapeurs ;
Il lui faut les vomir, au dehors, dans l’espace.
C’est ainsi que leur force abat l’oiseau qui passe.
Un nuage invisible et pestilentiel
Au dessus de l’Averne empoisonne le ciel.
L’être ailé que son vol amène au bord du piège,
Embarrassé dans l’air vénéneux qui l’assiège,
Tombe, où l’exhalaison impérieuse attend
Ce qui reste de vie en ce corps palpitant.
Car la chute d’abord n’est que l’effet d’un spasme.
C’est en bas, dans la fange, aux sources du miasme,
Que le souffle vital, à jamais endormi,
Cède à l’intensité du fluide ennemi.
Il se peut bien aussi que cette gueule avide,
De la terre à l’oiseau fasse presque le vide.
À peine touche-t-il à l’air raréfié
Qu’il sent fléchir l’espace auquel il s’est fié ;
Son vol désemparé lutte en vain ; il chancelle ;
Rien n’offre plus de prise au double effort de l’aile ;
Le support et l’appui, tout lui manque à la fois.
Déjà tout épuisé par le vide, son poids
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LIVRE SIXIÈME