cas, peut concilier l’aisance de la prose avec les avantages de la versification. Ces avantages, incontestables même pour le sens, seraient sensibles pour tous, si ces passages, comme beaucoup de ceux des Châtiments, au lieu d’être lus tout bas, étaient lus à haute voix par un lecteur qui eût le sentiment de ces secrets, et qui fit valoir l’effet ou plutôt la simple signification des enjambements et des rejets, ce que bien des gens ne sentent pas du tout et comptent même pour des défauts. C’est quand on lit tout bas que les yeux sont choqués, à l’hémistiche ou à la rime, de ces infractions à l’alignement. Mais c’est avec l’oreille et surtout avec l’intelligence qu’on doit juger la versification. Celle de M. Lefèvre est constamment moulée sur la pensée de Lucrèce.
Nulle part ne se sent la gêne de la traduction, gêne si sensible
pourtant jusque dans des traductions en prose. Il semble que c’est sa
propre pensée que M. Lefèvre exprime, tant il est sûr de son
expression ; et en effet c’est sa pensée. Cette copie a le caractère d’un
original ; on n’est jamais entré si complètement dans la personnalité
d’autrui.