Ne croit-on pas entendre Darwin et Haeckel ? N’est-ce pas là le Struggle for life, le combat pour la vie et la sélection naturelle ?
Ainsi la terre a produit tout ce qu’elle porte ; ainsi l’homme est apparu sur ce sol où il rentrera ; il s’est manifesté là où se trouvaient rassemblées et prêtes les conditions de sa vie particulière. Pourquoi ? Question oiseuse à laquelle croit répondre l’invention d’une volonté divine, comme si l’attribution d’un fait à un dieu avait plus de valeur que la constatation du fait lui-même. Le recours à un plan surnaturel n’est qu’un aveu déguisé d’ignorance, ignorance impardonnable puisqu’elle concerne une difficulté créée par l’enfantillage humain. Les enfants demandent pourquoi, mais non les hommes, auxquels la science apprend qu’il n’est pas de pourquoi dans l’existence des choses. Cette vérité les étonne d’abord, malgré son évidence : personnes vivantes, ils sont habitués à ne faire rien sans dessein ; mais il leur suffit de constater, pour écarter toute fausse analogie, que les éléments matériels ne sont ni des personnes, ni des volontés, et que la nature des choses porte en elle-même la loi, fatale et indifférente, de leurs combinaisons.
Lucrèce est, on le conçoit, nettement ennemi des causes finales. Il recommande à son élève d’éviter cette vicieuse erreur qui consiste à dire : « Les yeux ont été faits brillants et transparents, pour que nous puissions voir ; les jambes et les cuisses ont leurs têtes emmanchées dans des jointures flexibles, pour que nous puissions lever le pied et courir ; les bras