Aller au contenu

Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
23
LIVRE PREMIER

Il faut l’atome plein dans sa forte unité.

Si la Nature n’eût à l’atome arrêté
La dissolution des choses, la matière,
Par l’âge infatigable effritée en poussière,
Ne pourrait même plus se condenser à temps
Pour conduire un seul être à la fleur de ses ans.
La ruine est rapide et lente la croissance.
Jouets de la durée, étreints par la puissance
Invincible des jours sur eux amoncelés,
Les corps, à l’infini broyés et morcelés,
Trouveraient-ils jamais le loisir de renaître ?
560Or ne voyons-nous pas la mort réparer l’être,
Et toute forme atteindre à sa maturité ?
Le morcellement donc s’arrête à l’unité.

Mais comment obtenir de germes si solides
La molle expansion des substances fluides,
La terre, l’onde, l’air, la vapeur et le feu ?
Par le concours du vide, universel milieu.
Si l’atome au contraire est de molle nature,
D’où vient que le fer tranche et que la roche est dure ?
L’univers tout entier, miné profondément,
Va manquer par la base et perd son fondement.
Les principes sont donc immuables et fermes,
Et c’est la densité plus compacte des germes
Qui donne la vigueur à leurs créations.
Puisqu’un terme constant aux générations
D’avance a mesuré la croissance et la vie,
Qu’une ligne certaine et dont nul ne dévie