Évite une montée et perd le droit chemin.
Devant ce qui les gêne ils reculent en vain,
Ne s’apercevant pas que l’absence du vide
Ferait de tous les corps une masse solide,
Impuissante à lancer, comme fait l’astre aux cieux,
Des gerbes de chaleur et de jour radieux.
Rien ne peut, tu le sais, rayonner sans espace.
Dira-t-on que le feu s’éteint quand il s’amasse ?
Qu’en ses contractions il change incessamment ?
Vaine subtilité ! Le refroidissement,
En tuant la chaleur, détruirait le feu même,
C’est-à-dire leur germe et leur force suprême ;
Et tout ne pourrait plus renaître que de rien.
Chaque être a son emploi fixe ; qui sort du sien
N’est plus lui-même ; il meurt de sa métamorphose.
Si donc tu ne veux pas que du néant éclose
Ce multiple univers, il faut qu’à toute mort
Survive un fondement inaltérable et fort.
Puis donc qu’il est des corps que nul pouvoir n’altère,
Où subsiste à jamais le même caractère,
Dont l’approche, l’écart, la disposition
Font et défont les corps nés de leur union,
Le feu n’en doit pas seul constituer l’essence.
Qu’importerait alors la présence ou l’absence
De germes tous pareils ? Ils changeraient de lieu,
Mais ils ne perdraient pas le principe du feu.
Engendré par le feu, tout tiendrait de la flamme.
Voici la vérité, que le bon sens proclame :
Il est des corps premiers, base des autres corps ;
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LIVRE PREMIER