Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/101

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toute religion, doit s’écarter absolument de ce qu’on appelle les relations mondaines, car la bêtise universelle est si contagieuse, qu’il ne pourra fréquenter ses semblables, les voir et les écouter, sans être malgré lui entamé par leurs convictions, leurs idées et leur morale d’imbéciles. Enseignez cela à votre fils au lieu de catéchisme ».


Et toutes ses conversations pieusement recueillies sont, pour ainsi dire, imprégnées d’un pareil détachement mondain. Nul mieux que lui ne jugeait les snobs pour ce qu’ils valent, et s’il gravita dans leur orbite vers la fin de sa vie, avec quelle ironie il les dépeignait ! Ces femmes, dont il semblait l’esclave, n’étaient pas aussi haut dans sa pensée qu’elles l’ont pu croire. Il ne fut dupe de rien ; leur passé plana sur leur présent, et ce passé s’éclaira jusqu’à l’éblouir. Il me les décrivit corps et âme, il me les fit connaître, il me les fit juger. Et quand je lui demandais : « Vous pouvez les aimer après avoir analysé leurs sentiments mesquins, leur pose à l’érudition philosophique, les bassesses de leur âme, les vilenies de leurs mœurs ? »

Il répondait :

« — Je ne les aime pas, mais elles m’amusent. Je trouve ça très farce de leur faire croire que je suis sous le charme ... et comme elles se renouvellent pour m’y maintenir ! L’une d’elles en arrive à ne plus manger, devant moi, que des pétales de roses ».

Et il riait bas, presque sourdement, vous savez, de ce rire ironique qui révélait tout un état d’âme.