Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/104

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Voici d’autres détails plus précis sur la fin du sombre drame. C’est avec une grande émotion que l’on pensera, en lisant ces pages, à la Mère qui, là- bas, à Nice, dans son musée de souvenirs, a soulevé un instant, en 1901, deux ans avant de mourir, le voile qui protégeait ses reliques pour nous raconter, grâce à la plume de « son secrétaire » - M. Balestre, à qui elle dictait ces notes - sa dernière entrevue avec « son Guy, l’orgueil et la joie de sa vie... »

Le 1er janvier 1892, Guy de Maupassant dînait chez sa mère avec quelques parents.

Dans le cours du dîner, sans que rien ne le fît prévoir, il tint des propos réellement délirants ; il raconta qu’il avait été prévenu par une pilule qu’il avait prise d’un événement qui l’intéressait. Devant l’étonnement de l’auditoire, il se ressaisit ; à partir de ce moment, il fut triste et le dîner s’acheva dans un silence soucieux.

Sitôt que le repas fut fini, Guy de Maupassant demanda sa voiture et repartit pour Cannes.

Sa mère ne le revit plus. Dans la nuit du 1er au 2 janvier, il tentait de ne pas survivre au naufrage qu’il sentait prochain.

Dans le cours de sa maladie, soit qu’ils conservassent quelque espérance, soit que l’état très menaçant de Madame de Maupassant suggérât la pensée qu’elle mourrait sans connaître la triste vérité, les amis et les parents qui entouraient Guy de Maupassant créèrent et entretinrent les illusions de sa mère, qui eut la douleur immense de ne pas être présente