Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/149

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« La maternité consola Mme de Maupassant de ses tristesses d’épouse ; le 5 août 1850, son fils Guy venait au monde, puis Hervé naissait.

« Cependant la jeune femme jugea de sa dignité de quitter ce mari dont la légèreté de conduite s’aggravait. La séparation eut lieu, élégamment, sans débats judiciaires. Laure de Maupassant se retira dans sa propriété d’Étretat, et y fit la première éducation de ses fils.

« Elle pensait que l’aîné serait un écrivain non par mystérieuse prescience, mais par déduction. L’enfant avait des similitudes d’esprit avec son oncle Alfred, un délicat poète mort dès l’aube de son talent. Guy, joueur et turbulent, aimait la lecture avec passion. La mère fut comme un bon jardinier qui, voyant naître la frêle plante rare, la dégage des mauvaises herbes et la soigne avec précaution. Elle tourna vers l’art, le soleil du talent, les germes d’idées mis dans l’âme du petit, lui épargna les luttes qui gaspillent tant d’énergies, permit enfin qu’il employât chaque minute de sa brève existence à édifier l’œuvre.

« Mme de Maupassant pria d’abord Louis Bouilhet, puis Gustave Flaubert de donner des conseils à Guy. Elle avait peur d’en faire un raté et ce ne fut qu’après qu’il eut écrit la Vénus Rustique et Boule de Suif qu’elle l’engagea à se vouer aux lettres.

« Alors, entre la mère et le fils, ce fut non pas une de ces affections où l’un donne, l’autre reçoit, mais une tendresse réciproque. L’écrivain, à qui on a fait une réputation d’égoïste, renonçait à un voyage avec Huysmans pour tenir compagnie à sa mère. Plus tard, quand, souffrante, elle dut s’installer dans