Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/205

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Et comme je la remercie, tout pénétré de sa bonne grâce, elle ajoute, en me reconduisant au seuil du salon :

— Surtout ne tardez pas ! Je suis bien vieille, bien malade ! Et le médecin m’assure que je serai bientôt délivrée !...

En même temps qu’elle me confiait les vers manuscrits dont je viens de parler, Mme de Maupassant me conseillait d’aller voir, dès mon retour à Paris, M. Léon Fontaine, qui fut le grand ami de son fils. Je me suis empressé de suivre cet obligeant avis. M. Léon Fontaine a bien voulu me communiquer les papiers que Guy de Maupassant lui a remis à diverses reprises et qui constituent pour lui le plus précieux des souvenirs. Ce sont des œuvres de jeunesse. M. Léon Fontaine vivait alors dans une grande intimité avec l’écrivain qui s’occupait beaucoup moins de littérature que de canotage. Ils possédaient en commun la Feuille à l’envers, embarcation qui naviguait le dimanche entre Maisons-Laffitte et Chatou. Guy de Maupassant s’appelait à bord Joseph Prunier et M. Léon Fontaine portait le nom coquet et sans prétention de Petit-Bleu. Une aimable personne, Mlle Mouche, tenait la barre : elle égayait par son babil les matelots de l’équipage et s’efforçait de les rendre tous heureux. Le soir venu, on s’installait dans une auberge riveraine. La chère était médiocre, les lits détestables, mais à vingt ans, la gaieté et le plaisir remplacent toutes choses et il n’est pas un dîner qui paraisse maussade avec de tels assaisonnements. M. Léon Fontaine qui est aujourd’hui un grave officier minis-