Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/216

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maines. Le cahier de M. Léon Fontaine se termine par un morceau qui serait exquis si l’on pouvait le raccourcir des trois quarts. Maupassant y raconte tout bonnement sa dernière partie de canotage :

Des larmes de la nuit la plaine était humide
Une brume légère au loin flottait encor
Les gais oiseaux chantaient. Et le beau soleil d’or
Jetait son étincelle à l’eau fraîche et limpide.
Oh ! quand la sève monte et que le bois verdit
Quand de tous les côtés la grande vie éclate
Quand au soleil levant tout chante et resplendit,
L’esprit ouvre son aile et le cœur se dilate.
Aussi notre héros fut-il très étonné
De se sentir bientôt moins triste qu’à la ville,
Le regard plus serein et l’âme plus tranquille,
Quand au courant du fleuve il se vit entraîné
Le canot lentement allait à la dérive,
Un vent léger faisait murmurer les roseaux,
Peuple frêle et charmant qui grandit sur la rive
Et qui puise son âme au sein calme des eaux.

La yole du poète croise une autre embarcation. Il discerne à la poupe une femme en qui il reconnaît, à son grand étonnement, une chaste jeune fille qu’il avait coutume de rencontrer, le matin, en se rendant à son bureau. Cette vierge n’était qu’une canotière. Il se lance à sa poursuite. Il la rattrape. On descend à la même guinguette. Que vous dirai-je ? Le dénouement se devine :

Poète au cœur naïf, il cherchait une perle,
Trouvant un bijou faux, il le prit et fit bien.
J’approuve, quant à moi, ce dicton très ancien
« Quand on n’a pas de grive, il faut manger un merle ».