Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/222

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Peut-être Maupassant est-il, par son art de composer, moins naturaliste que certains autres romanciers contemporains, que les Goncourt notamment, si ce que leurs livres ont de discontinu ou même d’incohérent nous donne mieux l’impression de la réalité, fertile en accidents et en caprices. Mais distinguons du moins entre ses romans et ses contes.

L’unité de ses romans n’est jamais tellement étroite : il ne s’y impose pas la logique et la symétrie qui caractérisent ceux de Flaubert et de M. Émile Zola ; parfois même il laisse au développement une aisance un peu lâche. Et si ses contes, d’autre part, sont en général mieux ordonnés, leur courte étendue, la simplicité de leur « fable », le petit nombre de leurs personnages, comportaient, à vrai dire, ou même commandaient cette cohésion et cette teneur. Du reste il y a, comme disent les naturalistes, des tranches de vie humaine ; il y a tels « morceaux » qui, se séparant des choses contiguës, font corps à part, ont leur unité propre et distincte. Ce qu’on loue chez Maupassant comme art de composition, pourrait bien n’être qu’un don inné de reconnaître ces morceaux, auxquels la nature a fixé un cadre précis. Et, de la sorte, il ferait, là encore, œuvre de naturaliste.

Toutes les conditions du naturalisme, Maupassant les remplit mieux que nul autre de ses contemporains... Point de philosophie. Ou, pour mieux dire, sa philosophie, purement naturelle, ne se préoccupe pas de ce qui dépasse le monde sensible. À quoi bon penser ? La pensée de l’homme « tourne comme une mouche dans une bouteille » ; ne constatant que des phénomènes, peut-être illusoires, et dont, tout au