Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/36

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désigné pour que Maupassant, le romancier si aimé des femmes et qui a parlé parfois d’elles avec une si rare émotion, eût son image dressée sur la colonne où une Parisienne symbolique s’appuie, d’un geste de grâce triste...

Mais il convenait que la gloire de Maupassant fût consacrée dans sa ville natale, dans la vieille et superbe capitale de cette Normandie dont il était si bien le fils. Il lui devait beaucoup. Son esprit, à la fois clair et subtil, une certaine rudesse atténuée de finesse exquise, étaient choses de sa province. Il avait encore pris de sa petite patrie cette robustesse de santé, ce teint haut en couleur, cette carrure d’épaules qui ne furent, hélas ! que la trompeuse fa- çade de la force. Il avait trop compté sur cette vi- gueur de sa race. Lamentablement, la lézarde se fit dans sa superbe organisation. Ses amis eurent la dou- leur de le voir mourir jeune, lentement et comme en deux fois.

Ce fils de la Normandie n’avait pas été, d’abord, un fils très respectueux. Son aventure fut celle de son maître et de son grand ami Flaubert et celle aussi, je crois, de presque tous les hommes qui, au début de la vie, quittent, pour venir chercher la gloire à Paris, le clocher natal. Ce clocher fût-il celui d’une glorieuse cathédrale, comme celui de Rouen, son ombre paraît mortelle aux jeunes ambitions. Paris, avec ses séductions, est mauvais conseiller, conseiller d’ingratitude envers la province natale. Il est presque sans exemple qu’un lettré se soit refusé à faire la satire et, parfois, à donner la caricature du milieu où il grandit, souvent con-