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LIBERTÉ DE LA CRITIQUE
ET DE LA SCIENCE
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Dans le conflit avec l’opportunisme, il y va de l’existence même de la social-démocratie. « Une telle tactique (celle de l’opportunisme), disait Bebel à Erfurt, signifierait pour notre Parti exactement la même chose que si l’on brisait l’épine dorsale à un organisme vivant tout en lui demandant d’accomplir le même effort qu’auparavant. Je ne tolérerai pas qu’on brise la colonne vertébrale de la social-démocratie, qu’on remplace son principe : la lutte de classe contre les classes possédantes et contre le pouvoir d’État, par une tactique boiteuse et par la poursuite exclusive de buts soi-disant pratiques.»

Rien ne devrait sembler plus justifié que cette résistance et cette contre-attaque en réponse aux prétentions de l’opportunisme. Cependant, ces derniers temps, on a tenté de différentes manières de contester au Parti le droit de recourir à cette légitime défense et l’on voudrait même présenter comme une inconvenance tout règlement de comptes avec l’opportunisme. Et cela avant tout au nom de la liberté de la critique. On voudrait nous persuader qu’il faut accorder à chacun la liberté de critiquer le programme et la tactique de notre parti ; même nous devrions être reconnaissants à ceux qui, par leur critique, apportent un souffle de renouveau dans la vie du Parti.

Cette antienne, par laquelle on s’efforce maintenant de défendre Bernstein, nous l’avons déjà entendue il y a neuf ans.

« Où est donc la liberté d’opinion dont vous aimez tant parler ? », s’écriait Georges Vollmar au congrès d’Erfurt, en se voyant combattu par Bebel — L’indépendance de la pensée est pour nous de la plus haute importance. Or, elle ne sera possible que si, abstraction faite de toute calomnie, de tout mensonge, de toute injure, nous accueillons avec gratitude et sans distinction de tendance, les

  1. Extrait du vol. III des Œuvres complètes de Rosa Luxembourg (éditées par les soins de Clara Zetkin et de Adolf Warski), pp. 173-177. L’article fait partie d’une série publiée dans le journal Leipziger Volkszeitung, en septembre 1899.