Page:Luzel - Cinquième rapport sur une mission en Basse-Bretagne, 1873.djvu/29

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menu comme chair à pâté, puis, sur sa demande avant de mourir, tous les morceaux furent mis dans un sac, le sac fut placé sur son cheval et celui-ci, mis en liberté, rapporta le tout à la cour du roi serpent qui, avec quelques gouttes de son eau de la vie, ressuscita le prince de Tréguier.

Trois jours après, le roi serpent dit au prince qu’il lui fallait retourner en Russie, et sous la forme d’un cheval, cette fois. « Je vous mettrai, ajouta-t-il, une fiole de mon eau de la vie dans l’oreille gauche, car vous en aurez encore besoin. Quand vous arriverez à la cour de l’empereur, vous irez droit à l’écurie. Il y a dans le palais une jeune fille méprisée et maltraitée par tout le monde et employée à garder les dindons, bien qu’elle soit de haute naissance, comme vous l’apprendrez plus tard. On l’appelle Souillon, et c’est elle qui vous viendra en aide. Quand elle vous verra arriver, elle dira à votre femme, qui s’est remariée avec son amant le général : — Ah ! madame, le beau cheval qui vient d’arriver dans votre écurie ! — Votre femme se rendra aussitôt à l’écurie, et, en vous voyant, elle dira : — Ceci doit être quelque chose de la part de mon premier mari  ! — Et aussitôt elle donnera l’ordre de vous tuer, de vous hacher en menus morceaux et de jeter le tout dans un four ardent pour y être consumé. En entendant cela, Souillon s’écriera : — Oh ! le beau cheval ! c’est vraiment pitié de le tuer ! — Et elle viendra vous caresser de la main. Dites lui alors, tout doucement, de prendre la fiole qui sera dans votre oreille gauche, et soyez sans inquiétude, car elle saura quel emploi elle devra en faire. »

Le prince de Tréguier se rendit donc de nouveau à la cour de l’empereur de Russie, sous la forme d’un beau cheval. Sa femme, dès qu’elle le vit, donna l’ordre de le mettre à mort, de le hacher en menus morceaux et de jeter le tout dans un four ardent. Mais Souillon s’était déjà emparée de la fiole d’eau de la vie qui était dans son oreille. Elle ramassa ensuite une pelote de son sang caillé, la déposa sur une pierre, au soleil, sous la fenêtre de la chambre de la princesse, et l’arrosa de quelques gouttes de l’eau de la vie. Aussitôt il s’en éleva un beau cerisier, portant de belles cerises rouges, et dont le sommet atteignait à la hauteur de la fenêtre de la princesse. Celle-ci, voyant cela, s’écria encore : « C’est quelque chose de la part de mon premier mari  ! » Et elle fit abattre le cerisier et le jeter dans le four, pour être réduit en cendres. Mais Souillon en avait cueilli, auparavant, une belle cerise rouge. Elle la déposa au soleil sur la pierre d’une fenêtre basse, versa dessus quelques gouttes de son eau de la vie, et aussitôt un bel oiseau bleu s’en éleva et s’envola au jardin en faisant : drik ! drik !….. La princesse et son mari, qui se promenaient dans le jardin, le remarquèrent et ils s’écrièrent : « O le bel oiseau ! » et ils essayèrent de l’attraper. L’oiseau s’envolait de buisson en buisson, sans jamais aller loin. Le mari de la princesse déposa son épée à terre, afin de pouvoir courir plus librement