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— Je signale et je recommande Marguerite Philippe aux amateurs de traditions populaires, ainsi qu’aux personnes qui voudraient vérifier, aux sources mêmes, le degré de fidélité que j’ai apporté dans la reproduction des chants et des récits du peuple breton. — Marguerite Philippe, avec une intelligence commune, est douée d’une mémoire prodigieuse, et elle vous chante ou récite, avec une assurance parfaite, et sans jamais faire de confusion ni se trouver en défaut, soit pour les paroles, soit pour l’air, Gwerziou, Soniou ou contes, à discrétion. À elle seule, elle possède, à peu près, la somme des traditions orales des pays de Lannion et de Tréguier. Je lui ai de grandes obligations. Elle sait, au moins, 150 Gwerziou ou Soniou et une soixantaine de contes et de récits de toute sorte. Elle est fileuse de son état, et elle chante constamment en tournant son rouet. Elle est recherchée dans les fermes du pays, pour charmer les longues heures des veillées d’hiver. — À son état de fileuse, Marguerite en joint encore un autre : elle est aussi pèlerine par procuration, c’est-à-dire que, pour une très modique somme elle va en pèlerinage à toutes les places de dévotion et à toutes les fontaines de la Basse-Bretagne dont l’eau est réputée avoir quelque vertu salutaire. Car chaque chapelle, chez nous, a son saint — saint du pays, le plus souvent, — et chaque saint a sa fontaine et sa spécialité pour la guérison de quelque affliction physique ou morale.

De la sorte, Marguerite est presque toujours sur les routes de la Basse-Bretagne, dans toutes les directions, et partout où elle passe, elle écoute, elle s’enquiert, et ne manque jamais l’occasion d’apprendre un Gwerz, un Sône ou une tradition qu’elle ignorait. Elle et Barbe Tassel, du bourg de Plouaret, sont les deux personnes qui m’ont été le plus utiles dans mes recherches sur les traditions orales du pays. Toutes les deux vivent encore, et chacun peut les consulter. — Marguerite Philippe demeure au village de Pont-an-c’hlan, tout près du bourg de Pluzunet. Le bourg de Pluzunet est à six kilomètres de la gare de Belle-Isle-Bégard, entre Plouaret et Guingamp, au pied de la montagne de Bré. —