Page:Luzel - Contes populaires, volume 2, 1887.djvu/69

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bord de la route, et nous-mêmes en deux petits oiseaux, qui chantaient sur les branches, et que nous lui échappâmes encore de cette façon.

— Je me le rappelle bien, petite sœur chérie, répondit la seconde grenouille.

— Tu n’as donc pas oublié non plus, petit frère chéri, que la magicienne, furieuse, nous poursuivit à son tour, sous la forme d’un nuage noir, avec accompagnement de tonnerre et d’éclairs, et comment je sus aussi mettre toute sa science en défaut ?

— Non, petite sœur chérie, je ne l’ai pas oublié non plus.

Arzur, ne pouvant plus douter que la nouvelle mariée ne fût sa sœur et sa protectrice contre le magicien et la magicienne, se leva, alla à elle et l’embrassa tendrement en disant :

— Pardonne-moi, ma petite sœur chérie ; je te dois la vie et je t’aime et t’aimerai toujours jusqu’à la mort[1].

  1. Cet épisode des grenouilles d’or, remplacées dans d’autres versions par un coq et une poule d’or, se rencontre fréquemment dans nos contes bretons ; mais ici, il semble qu’il y a altération. Celui qui perd la mémoire, pour avoir désobéi et manqué aux recommandations de l’héroïne, n’est ordinairement pas son frère, mais un prince, son fiancé, qu’elle arrache également à un magicien, dont elle est quelquefois la fille, mais plus souvent la victime, retenue enchantée sous une forme animale. Il recouvre le souvenir du passé, en entendant aussi le dialogue des grenouilles d’or, ou du coq et de la poule d’or, au moment où il allait contracter une autre union, et finit par épouser celle qui l’a sauvé du magicien et à qui il avait promis fidélité. La perte de la mémoire vient de ce qu’il se laisse embrasser par une autre femme, fût-ce même sa mère ou sa sœur, malgré la défense expresse de celle à qui il doit la vie.