— Merci, seigneur, dit-elle,
Car j’ai déjà déjeuné ;
J’ai déjà bien déjeuné,
Avant de quitter la maison de mon père ;
Seigneur, j’ai déjà déjeuné,
Et c’est à Kervezelec que je dînerai ;
C’est à Kervezelec que je dînerai.
Et je m’asseoirai à la table du seigneur ;
A la table du seigneur et de la dame,
Ceux-là m’aiment du milieu de leur cœur ! —
— Petite Marguerite, obéissez-moi,
Et venez avec moi au jardin ;
Venez avec moi au jardin,
Pour choisir un bouquet de fines fleurs ;
Pour choisir un bouquet de fines fleurs
De marjolaine et de thym ;
De marjolaine et de thym,
Pour mettre sur votre poitrine, [à votre corset.) —
— Je ne suis plus la fille aux bouquets,
Le fils aîné du seigneur est mort. —
— Si le fils aîné du seigneur est mort,
Ce n’est pas à vous de porter son deuil. —
— Nous sommes enfants du frère et de la soeur,
Songez, seigneur, quelle proche parenté ! —
— Petite Marguerite, obéissez-moi,
Et venez avec moi dans les chambres ;
Venez avec moi dans les chambres,
pour choisir des poires et des pommes ;
Pour choisir des poires et des pommes,
Vous en aurez autant que vous voudrez. —
— Retirez-vous, seigneur, que je passe,
C’est péché à vous à cause de moi.
Si mon frère, dit-elle, le savait bien,
Il vous mettrait en pièces, chair et sang ;
Si mon frère nourricier Kerninon le savait,
Il ferait refroidir votre sang ! (Il vous tuerait.} —
— Je me moque autant du fils de Kerverzino[1],
Comme de la boue de mes souliers ! —
- ↑ (1) C’est à tort que le nom de Kernenan ou Kerninon se trouve ici. Ces deux vers sont une interpolation. Kerverzino doit être pour Kerninon, par suite d’une confusion entre deux pièces différentes.