Les trois trésors les plus beaux qui soient au monde,
Sont tous les trois à Plouaret :
La lampe d’argent, la maîtresse-vitre
Et la croix d’argent, qui est plus belle encore.
La première fois que j’allai à Plouaret,
Ce fut un dimanche, à la grand’messe :
Pendant que j’étais à la procession.
Un remords (1)[1] me frappa au cœur.
Un remords me frappa au cœur,
En voyant devant moi une belle croix :
Voilà une bien belle croix,
Et qui serait bonne pour Le Cozannet !
Qui serait bonne pour Le Cozannet
Pour faire des pièces de cinq réaux ! (2)[2]
Qui serait bonne à Iannik Le Cozannet,
Qui a été domestique au Prat-Ledan. [1][3]
J’ai été cinquante nuits
A coucher à Sainte-Barbe, [2][4]
Cherchant à voler la croix d’or de Plouaret,
Dussé-je mourir, je n’aurais pu le faire ;
N’était celle-là, la femme de Le Dantec,
Qui me donna les clefs ;
Qui me donna les clefs,
A l’heure où les habitants étaient dans leurs lits.
Quand je fus entré dans le cimetière.
Je rencontrai un chien barbet ;
Je rencontrai un chien barbet,
Qui me dit :
— Si tu voles la croix, je te sauverai,
Et si tu ne le fais pas, je te damnerai ! —
Au moment où j’ouvrais la première porte,
Les cloches commencèrent a sonner à pleine volée ;
- ↑ (1) Le mot remorz, qui n’est pas breton, signifie ici voix secrète, voix intérieure.
- ↑ (2) Nos paysans comptent encore par réaux ; un réal chez eux vaut 25 centimes ; les pièces de cinq réaux représentaient donc 1 franc 25 centimes de notre monnaie actuelle.
- ↑ (1) Le Prat-Ledan est un village à moins d’un kilomètre du bourg de Plouaret.
- ↑ (2) Sainte-Barbe est une chapelle du 16e siècle, dans le bourg même de Plouaret.