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VII

  Le jeune Baron disait,
Un jour, du haut de l’échafaud :
— Gens de la justice, arrêtez-vous,
Je vois ma nourrice qui vient ;

  Je vois ma nourrice qui vient,
Et elle s’affaisse à chaque pas ;
Elle s’affaisse à chaque pas,
Par regret de l’enfant qu’elle a nourri.

  Approchez-vous, ma mère nourrice,
Que je vous embrasse avant de mourir,
Que je vous donne mon dernier baiser,
Avant de m’en aller de la vie de ce monde.

  J’ai dix-huit châteaux et dix-huit maisons, [1][1]
Avec moulin et enclume attenant à chacun,
Et je vous les donne tous, ma sœur de lait,
Pour que vous vous souveniez d’Yves Le Lintier. —

  La marâtre traîtresse répondit
A Yves Le Lintier, quand elle l’entendit :
— Comment peux-tu tout donner à ta sœur de lait ?
Tu as d’autres sœurs à la maison.

  — Ces biens m’appartiennent du chef de ma mère,
Ils m’appartiennent pour les donner à qui je voudrai.
Approchez-vous de moi, ma nourrice,
Pour que je vous embrasse encore une fois ;

  Pour que je vous donne mon dernier baiser,
Avant de m’en aller de la vie de ce monde ;
Vous m’aviez donné mon premier maillot,
Vous me donnerez mon second, le dernier ! —

  — Votre premier maillot, je vous j’ai donné,
Mais pour votre dernier, je ne dis pas ;
Mon cœur ne pourrait pas résister, absolument,
A ensevelir votre corps sans votre tête ! —

VIII

  Au bout de trois jours après cela,
Ervoanik était sur le pavé :
— Mettez ma marâtre à mort,
Et faites payer les amendes à mon père ;

  1. [1] Le vers, qui jusqu’ici a été presque constamment de huit syllabes, en a maintenant presque toujours neuf et même quelquefois dix.