— Allons tous les deux, Jeanne, au pardon du Guéodet,
Il y a longtemps que j’ai promis, d’y aller. —
Jeanne disait, quand elle fut près du Guéodet :
— Voici, par exemple, un beau champ de blé !
Voici, par exemple, un beau champ de seigle.
Et quand nous retournerons, il n’y aura que de l’ivraie !
Il a fallu pour l’ensemencer dix-huit boisseaux,
Et quand il sera mûr à couper, il n’en restera pas un quart !
Quand il sera mûr à couper, il n’en restera pas un quart ;
Et quand il sera vanné, il n’y en aura pas une écuellée ! —
— Gâtez-en là la largeur d’une nappe à vanner,
Et je verrai alors si vous êtes sorcière. —
— Sauf votre grâce, dit-elle, mon père, je ne puis faire cela,
Car je ruinerais le pays tout entier. —
— Retournons à la maison, Jeanne, retournons tous les deux.
Et disons de bon cœur adieu aux pardons. —
Jean, le chef de ménage, disait à sa femme, en arrivant à la maison :
— Nous avons nourri une fille qui sait gâter le blé (1)[1] ;
Je vais la recommander au procureur fiscal. —
Jean, le chef de ménage, disait au procureur fiscal :
— Nous avons nourri une fille qui sait gâter le blé.
Faites votre possible à son endroit, pour nous, nous l’avons fait. —
— Amenez-moi votre fille, pour être interrogée
Et condamnée devant le tribunal, si elle l’a mérité. —
— Dites-moi, Jeanne, maintenant que vous êtes condamnée.
Comment avez-vous appris le secret pour gâter le blé ? —
— Un gardeur de moutons qui était chez mon père.
M’emmenait chaque nuit au sabbat,
- ↑ (1) Gwalla, gâter au moyen d’un sortilège.