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CONTES POPULAIRES DES BRETONS ARMORICAINS.




KOADALAN.[1][2]


DIALECTE DE TRÉGUIER.


Il y avait une fois deux pauvres gens qui avaient un fils âgé de quinze ou seize ans. Comme ils étaient pauvres et qu’ils avaient beaucoup de peine à vivre, ils dirent un jour à leur enfant : — Il te faudra, mon fils, aller gagner ton pain quelque part.

— C’est bien, répondit le gars, j’irai.

Il s’appelait Yves Koadalan.

Son père lui donna dix-huit deniers, sa mère, une demi-douzaine de crêpes, et le gars partit.

Comme il s’en allait, sur la route, il rencontra un seigneur bien mis, qui lui dit : — Où vas-tu comme cela, mon garçon ?

— Voyager, pour chercher à gagner mon pain.

— Veux-tu venir avec moi ?

— Je veux bien ; peu m’importe avec qui.

— Sais-tu lire ?

— Un peu, mais pas beaucoup.

— Tu n’es pas celui que je cherche, si tu sais lire.

Et le seigneur poursuivit sa route.

— Tiens ! se dit alors Koadalan, je n’aurais pas dû dire que je sais lire ; j’aurais été bien avec ce seigneur-là. Il faut que je retourne ma veste, pour aller au-devant de lui ; il ne me reconnaîtra pas.

Il fait ainsi ; il met sa veste à l’envers, court à travers les champs et se retrouve sur la route au-devant du seigneur.

  1. Ce conte est un de ces nombreux récits populaires, transmis par la tradition orale, et qui font le charme de nos chaumières et de nos manoirs bretons durant les veillées d’hiver. Il a été recueilli sous la dictée du conteur et traduit avec une grande fidélité sur le texte authentique.
  2. Le nom de Koadalan, traduit en français, serait Bois-Allain ; — mais je doute fort que ce soit là le nom primitif, car nos conteurs populaires ont la fâcheuse habitude de changer arbitrairement les noms, ceux des personnages comme ceux des lieux, et de leur substituer d’autres noms, généralement connus de leur auditoire.