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Page:Luzel - Koadalan.djvu/24

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Koadalan.

feu au grand tas de bois qui est dans votre cour ; quand le feu sera au plus fort, je jetterai la bague d’or au milieu, en disant aux musiciens : Allez l’y chercher !

On met le feu au tas de bois, puis la servante jette la bague d’or au milieu, et dit aux musiciens : Allez l’y chercher !

Aussitôt ceux-ci se jettent dans les flammes, et se mettent à y chercher la bague d’or, comme de vrais diables ; ce qu’ils étaient en effet.

Mais la bague d’or est changée alors en un grain charbonné, dans un grand tas de froment qui était dans le grenier du château. Et aussitôt les trois autres deviennent trois coqs, qui se mettent à chercher le grain charbonné dans le tas de froment. Mais le grain charbonné devient aussitôt un renard, qui croque les trois coqs[1] !

Et voilà comment Koadalan remporta la victoire sur les trois diables, et comment ses trois livres rouges lui restèrent.

Après tant d’épreuves, Koadalan revint chez lui. Son père était mort ; sa femme et son fils moururent aussi peu après, et il se trouva seul. Mais il avait toujours ses trois livres rouges. Avec eux il pouvait faire tout ce qu’il voulait ; tout, excepté éviter la mort. Et il était déjà vieux, et il avait grand’ peur de la mort ! Chaque jour il étudiait de plus en plus ses livres et y cherchait le secret de devenir immortel. Un jour il crut l’avoir trouvé, et voici comment.

Il assemble tous les gens de sa maison, et leur dit :

— Obéissez-moi ponctuellement, n’importe ce que je vous commanderai, et je vous donnerai de l’argent et de l’or autant que vous en voudrez. Allez d’abord chercher une femme allaitant son enfant premier né et amenez-moi sur-le-champ et la mère et l’enfant.

On lui amène une mère allaitant son enfant premier né, et ayant du lait en abondance. Celle-ci devait rester six mois au château, sans voir aucun homme, pas même son mari. Elle aurait cent écus par mois. Koadalan lui dit : — Moi, je serai à présent mis à mort et haché menu comme chair à saucisses ; puis, mon corps, ainsi réduit en morceaux, sera mis dans une grande terrine. Cette terrine sera enfouie dans un tas de fumier chaud, et, deux fois par jour, pendant six mois, à midi et à trois heures, il vous faudra venir, une demi-heure chaque fois, répandre le lait de

vos seins sur le fumier, à l’endroit où se trouvera la terrine. Mais prenez

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  1. Cette série de métamorphoses du héros de notre conte rappelle la poursuite de Gwion par Keridwen dans le Hanes Taliesin :
    « Vraiment, s’écria Keridwenn, c’est Gwion le nain qui est le ravisseur. » Ayant prononcé ces mots, elle se mit à sa poursuite. Gwion, l’apercevant de loin, se transforma en lièvre, et redoubla de vitesse ; mais Keridwenn aussitôt changée en levrette le dépassa et le chassa vers la rivière.
    Se précipitant dans le courant, il prit la forme d’un poisson ; mais son implacable ennemie, devenue loutre, le suivit à la trace ; si bien qu’il fut obligé de prendre la figure d’un oiseau et s’envola dans l’air.
    Cet élément ne lui fut pas un refuge ; car la dame, sous la forme d’un épervier, gagnait sur lui, et allait le saisir de sa serre. Tremblant de la terreur de la mort, il aperçut un tas de blé, sur une aire, et se glissa au milieu, semblable à un simple grain.
    Kéridwenn prit la forme d’une poule noire à la crête élevée, ouvrit en grattant le tas de blé, distingua le grain et l’avala, etc.. »
    Traduction donnée d’après la traduction anglaise d’Ed. Davies (Celt. Myth., p. 229 et suiv.), par Jules Leflocq, Études de mythologie celtique, p. 69.