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Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 1, 1881.djvu/129

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faire bouillir dans un chaudron, afin de le rajeunir, ce qui ne leur réussit pas aussi bien. »

M. Jean Bladé, dans son intéressant recueil : Contes populaires recueillis en Agenais, donne également une légende où Jésus-Christ, voyageant avec saint Pierre et saint Jean, arrive chez un forgeron (on ne dit pas que ce soit saint Éloi) et lui donne aussi une leçon de savoir-faire et d’humilité, en détachant le pied d’un cheval pour le ferrer plus commodément ; puis viennent d’autres épisodes qui manquent à la version bretonne. Comparez encore les deux contes russes : Le Forgeron et le démon ; Le Pope aux yeux avides, du recueil de Ralston.

M. J. Quicherat croit entrevoir, dans le culte dont saint Éloi est généralement l’objet de la part des forgerons et des maréchaux-ferrants, un indice et comme un écho lointain d’un culte qui s’attachait, à l’origine, à quelque divinité gallo-romaine ou celtique, et dont le sens a été détourné au profit du christianisme, comme cela se voit très-fréquemment, tant pour les anciennes légendes et traditions populaires que pour les monuments de l’antiquité gauloise ou romaine restés l’objet d’un culte païen, dont on ne pouvait détacher les populations, comme la croix entée sur le menhir, la chapelle chrétienne bâtie sur un dolmen, les anciennes fontaines sacrées mises sous le patronage de la sainte Vierge ou des saints. Voici les paroles mêmes de M. Quicherat sur ce sujet, dans la Revue des Sociétés savantes :

« Pour moi, je ne serais pas éloigné de croire qu’il y eut dans l’Olympe gallo-romain un dieu ou un génie forgeron du fer de cheval. Les singuliers attributs de saint Éloi, dans l’imagerie du moyen âge, m’ont suggéré cette opinion. Vainement la vie du célèbre évêque de Noyon a été écrite par un autre évêque, son contemporain, avec la plus rare exactitude ; vainement cette biographie présente, sans interruption ni lacunes, l’enchaînement des travaux du saint, d’abord comme orfèvre attaché à l’administration des finances de Dagobert, et ensuite comme apôtre de la Belgique ; le peuple, transportant sur sa personne des réminiscences d’un autre temps, a fait de lui un maréchal-ferrant. Les