Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 1, 1881.djvu/136

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de la cour, pour en défendre l’entrée à toute personne qui n’avait pas été invitée. Pourtant, à l’heure où l’on se mettait à table, il arriva dans la cour, on ne sait d’où ni comment, un vieux mendiant couvert de haillons et de plaies hideuses. Dès que les deux valets qui gardaient la porte l’aperçurent, ils coururent à lui, en le menaçant de leurs bâtons.

— Par où êtes-vous entré ici ? lui demandèrent-ils ; sortez vite !

Et en même temps ils levaient sur lui leurs bâtons pour le frapper.

— Faites l’aumône au pauvre, au nom de Dieu ! criait le mendiant, d’une voix lamentable.

— Aujourd’hui, on ne donnera pas, lui répondit-on ; venez demain, et vous aurez. Allons ! sortez vite !…

Mais le mendiant résistait ; il ne voulait pas sortir, et, élevant davantage la voix, pour être entendu dans la salle du festin :

— Au nom de Dieu, notre Sauveur, mort pour nous sur la croix, généreux seigneurs et charitables dames, jetez un morceau de pain à un pauvre malheureux près de mourir de faim !...

Le seigneur, c’est-à-dire Jean L’Andouar, l’entendit, et, quittant la salle, il vint, outré de colère, et cria aux valets :

— Ne vous avais-je pas bien recommandé de