Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 1, 1881.djvu/20

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bouche des conteurs et conteuses de Basse-Bretagne et, le plus souvent, dans le pays de Lannion et de Tréguier, où les vieilles traditions se sont mieux conservées que dans aucune autre partie de la Bretagne, j’allais de commune en commune, cherchant et m’informant partout, séjournant souvent (car j’ai des parents, des amis ou des connaissances dans tout le pays), et chaque jour ma collection s’augmentait ainsi d’un vieux gwerz, d’un sône, d’une légende pieuse, d’un conte merveilleux, d’un récit facétieux, d’un proverbe, d’un dicton populaire, d’une devinaille ou d’une superstition curieuse, — car rien de tout cela ne me parait indifférent pour la science[1]. Souvent aussi je faisais venir à Plouaret, où j’avais établi mon quartier général, les conteurs et chanteurs entérites qui m’étaient signalés, à plusieurs lieues à la ronde. Je leur demandais de me débiter leurs contes ou de chanter leurs chansons, en breton, et comme ils en avaient l’habitude, au foyer des veillées d’hiver. Quelquefois encore, c’étaient de véritables veillées, avec un nombreux auditoire, aux manoirs de Keranborn ou du Melchonnec. Un crayon à la main, je reproduisais les chants et les récits, séance tenante, littéralement pour les chants, aussi exactement qu’il m’était pos-

  1. A me voir ainsi constamment en voyage et toujours à pied, à travers nos campagnes bretonnes, un poète breton connu m’avait surnommé, et non sans une pointe de malice, Boudedeo Breiz-Izel, c’est-à-dire le Juif-Errant de la Basse-Bretagne.