Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 1, 1881.djvu/354

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— Continuons, dit l’autre : deux autres âmes contre les deux que tu possèdes à présent, la tienne et celle que tu as gagnée.

— Ça va ! répondit Sans-Souci ; distribuez les cartes.

Les cartes furent distribuées pour la seconde fois, et Sans-Souci gagna encore.

— Quatre autres âmes contre tes quatre ! dit l’autre, un peu dépité.

— Allons ! quatre autres âmes contre les quatre que j’ai déjà gagnées, répondit Sans-Souci.

Et il gagna encore.

Enfin, pour abréger, ils jouèrent ainsi pendant cent ans, toujours doublant l’enjeu, et Sans-Souci gagnant toujours. Songez quelle quantité d’âmes gagnées ! Il en gagna tant et tant qu’il finit par vider l’enfer ! Les âmes, à mesure qu’elles étaient délivrées, passaient de l’enfer dans le purgatoire, et il y en avait tant que, pour leur faire place, il fallut envoyer au paradis celles qui étaient déjà dans le purgatoire quand le jeu avait commencé.

Le joueur malheureux poussa alors un cri épouvantable ; il frappa du pied le rocher, et la trace y est encore visible, puis il disparut dans un abîme qui s’ouvrit pour le recevoir.

Cependant, la Mort était toujours prisonnière avec son ange, dans la forge de Sans-Souci, et,