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COMMENTAIRES ET VARIANTES
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L’auteur du Barzaz-Breiz donne cette pièce comme la plus ancienne et la plus importante de son recueil, au point de vue historique. M. de la Villemarqué croit y voir, en effet, une récapitulation, en douze demandes et douze réponses, des doctrines druidiques sur : le destin, lu cosmogonie, l’astronomie, la géographie, la magie, la médecine, la métempsycose, et autres choses encore. D’autres, — et M. de Penguern était du nombre, — y trouvent l’origine de notre « histoire, la venue des Bretons insulaires. »

Pour nous, nous n’irons pas chercher si loin, car nous n’y voyons tout simplement qu’un jeu pour exercer la mémoire et la langue. Il faut, en effet, une bonne mémoire et une langue bien déliée pour réciter, sans confusion, dans l’ordre voulu et avec la volubilité de prononciation qu’y apportent les plus habiles, ces douze séries de mots, généralement dépourvus de sens raisonnable, et où la rime riche semble seule de rigueur. Quel sens plausible donner, par exemple, à ceci :

________Daouzec cleze mignon
________O tifoueltra eur pignon,
________Ken munut ha brignon,

Que je traduis littéralement :

________Douze épées mignonnes
________Démolissant avec rage un pignon,
________Aussi menu que son ?

Il est évident qu’on n’a cherché là que la rime riche.

Il m’a paru que c’était aussi l’opinion de nos chanteurs populaires, et un de ceux-ci, de qui je venais de recueillir une version de Gousperou ar Râned, et que j’interrogeais sur la signification de certains mots et celle de la pièce en général, en lui avouant que je n’y comprenais rien, me répondit tranquillement : — Il faut que ce soit ainsi. — Comment, il faut que je n’y comprenne rien ? — Oui ; comprenez-vous quelque chose au chant des grenouilles ? — Non. — Eh bien, c’est comme cela aussi pour Gousperou ar Rânéd.