Page:Luzel - Soniou Breiz Izel vol 1 1890.djvu/28

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que rythment les sonnailles de leurs bidets bretons. Mon père, que des migrations ultérieures ont fait descendre peu à peu vers la mer, ne voit jamais apparaître ces errants de la montagne cornouaillaise, sans que le cœur lui tressaille d’allégresse. Ils le savent et s’arrêtent volontiers à sa porte. Ils lui parlent de ce pays de Duault, qui lui est resté cher entre tous, où son souvenir subsiste encore, et dont il a transcrit les chants. Ce nom de « Duault », les lecteurs des Gwerziou le connaissent : ils le retrouveront plus d’une fois dans les Sonniou.

Dirai-je que le Trèguer et le Goëlo sont actuellement, en Bretagne, les derniers terroirs où s’épanouisse en sa vraie fleur la chanson populaire ? — Par le Tréguer et le Goëlo, il faut entendre tout le pays qui s’étend de la rivière de Morlaix à la limite extrême de la langue bretonne, à l’Est du Trieux. Il semblerait, de prime abord, que la Cornouaille finistérienne et le Léon, qui sont restés plus attachés aux anciennes mœurs et aux vieux costumes, dussent avoir conservé de même le monopole des plus originales chansons d’autrefois. Il n’en est rien, Gaie, verte, avec de gracieuses vallées et des collines bondissantes, la Cornouaille a la lèvre volontiers rieuse et prompte aux gaudrioles. Elle aime à chanter, mais son insouciance s’accommode, en fait de chants, des médiocres et des pires. J’ai voyagé souvent avec des conscrits de Quimper, qui, sortis des campagnes avoisinantes, s’en retournaient passer le dimanche dans leurs familles.

À peine installés dans le compartiment, ils entonnaient, non des refrains de chambrée, (certes un Breton du peuple, rendu à lui-même, ne parle ni ne chante que dans sa langue), mais des couplets informes, sans poésie et sans intérêt. Je n’ai jamais eu le courage d’en noter un seul[1]. Une des compositions les plus en vogue dans le

  1. M. Quellien dit avoir entendu chanter, à Quimperlé, près de la gare, les plus exquises, « sonn » d’amour qu’il ait jamais entendues. Il est à regretter qu’il n’ait pas cru les devoir donner dans son volume, En tout cas, le fait qu’il cite est exceptionnel. Ce pays de Quimperlé, de Bannalec, de Pont-Aven est un de ceux que j’ai le plus pratiqués ; les chansons qu’on y a chantées étaient toutes des élucubrations récentes et peu originales d’un poète d’Elliant, ou des couplets d’une origine populaire plus profonde, mais aussi d’une crudité d’inspiration absolument intraduisible. On peut dire, en effet, du peuple de Cornouaille, que…

    Sa verve trop souvent s’égaie en la licence.

    Mais j’y songe : Quand M. Quellien parle de sonn exquises entendues en Cornouaille, il n’a peut-être en vue que la musique. Là, je me récuse.