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Page:Luzel - Soniou Breiz Izel vol 1 1890.djvu/37

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les sonniou. Tout en écoutant Marguerite Philippe, dans ce décor à la fois très primitif et très contemporain, je songeais aux choses disparues, dont cette femme évoquait l’image, à tout ce passé grave ou tendre du peuple breton, dont sa mémoire sera peut-être demain l’unique et suprême dépositaire… Et je me sentais vraiment pénétré envers elle d’une sorte de vénération attendrie…


III

J’ai souvent demandé à nos chanteurs ou chanteuses : « D’où vous vient cette chanson et qui, croyez-vous, l’a composée ? « Invariablement ils me répondaient : « Nous la tenons des gens anciens ; quant à savoir qui fut son auteur, c’est le secret de Dieu. » Sauf le cas de Nann Boënz (V. plus haut), je n’ai pas pu obtenir le moindre renseignement précis sur l’un quelconque de nos aèdes d’autrefois. Eux-mêmes étaient, sur leur personnalité, d’une discrétion absolue. Jamais ils ne se nomment. Ils font volontiers intervenir le « moi », mais ce « moi » peut être celui de n’importe qui. À ce point de vue, leur poésie est à proprement parler impersonnelle.

Par là, elle se distingue des créations plus récentes. Il semble, en effet, qu’à mesure que les productions populaires deviennent plus médiocres, leurs auteurs se font un devoir de conscience de les contresigner. Iann Ar Guenn n’y manque jamais. Chacune de ses chansons se termine par un couplet, dont la forme n’est pas toujours la même, mais, où toujours il prend soin d’encadrer son nom, sa parenté, et quelquefois son lieu d’origine. Il vaut qu’on lui consacre un mot, ce Iann Ar Guenn. Tout enfant, j’ai été accoutumé à l’entendre citer comme une des gloires du pays trégorrois. Je me suis enquis, depuis, de ce qu’il était, et j’ai lu de son œuvre les débris que j’en ai pu rassembler. Il naquit sur la