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nous. Leur muse essoufflée et loqueteuse quête de pardons en pardons une aumône qu’on ne leur verse qu’à regret. En cela, le peuple d’Armorique fait encore preuve de goût.

Les poètes d’autrefois chantaient, comme chante l’eau courante, sans vouloir en tirer profit. La poésie n’était pour eux que ce que devrait être toute poésie : une chose d’amusement ou de loisir. La plupart étaient gens de métier, non pas avoué, comme écrit M. Quellien, mais sédentaire ou, si l’on veut, domestique. Le sérieux de la la vie résidait, à leurs yeux, dans ce qui matériellement fait vivre. Tous, du moins, d’après les vagues indications qu’ils nous ont transmises, accomplissaient une besogne définie. Pour se distraire, ils composaient des vers, étant fils d’une race éprise de rêve, mais ils ne le confessaient pas. Les rares renseignements qu’ils nous fournissent n’ont trait qu’aux métiers qu’ils exercent.

Les uns étaient meuniers et « rimaient » en surveillant le tic tac de leur moulin ou en repiquant les meules. D’autres étaient tisserands, d’autres cordiers, d’autres sabotiers, d’autres tailleurs. Ils appartenaient, en un mot, aux corporations les plus diverses et, généralement, les moins estimées des anciens Bretons. Nos pères ne connaissaient, en effet, que deux états qui fussent dignes d’eux : celui de marin, sur les côtes, celui de laboureur, dans l’intérieur des terres. Pour toute autre condition sociale, le sacerdoce excepté, ils ne professaient que mépris. Aux meuniers ils reprochaient leur manque de probité. Un dicton populaire s’exprime ainsi :


Miliner, gwenn he vec,
Laër ar bleut ha laèr ann ed,


« Meunier au museau blanchi — vole la farine et vole le blé. » Quant aux tailleurs, ils étaient honnis, et se vengeaient par de mordantes chansons. Mais, les plus maltraités par l’opinion publique étaient les cordiers. On