Page:Luzel - Soniou Breiz Izel vol 1 1890.djvu/45

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coutumes toutes locales auxquelles il est fait allusion dans les sonniou. La chanson du Guidonnè, par exemple, met en scène les troupes de jeunes garçons et de jeunes filles qu’on voyait jadis errer de ferme en ferme, de maison en maison, aux approches de l’année nouvelle. Ils pénétraient dans les cuisines, en chantant, et sollicitaient la générosité des ménagères, les yeux fixés sur les solives, où des viandes salées séchaient suspendues, et le doigt tendu vers l’àtre, où s’enfumaient d’énormes andouilles. « Eguinannê ! Ëguinannê ! » criaient-ils, ou encore « Donné, ar Guidonnè ! » La formule variait, suivant les pays. Ils repartaient, comblés de cadeaux en nature. A chaque halte, leurs bissacs s’alourdissaient. Tranches de lard, crêpes de sarrazin, tourtes d’oing ficelées, connues en Bretagne sous le nom de blônec, tout s’y entassait pêle-mêle. Enfant, j’ai accompagné bien des fois ces « théories » paysannes, à travers les sentiers nus, sous les coups de fouet de la bise de décembre. Le cri usité dans ma région était « Cuignaoua ! Cuignaoua ! », du mot cuign, qui signifie gâteau, et qui fait penser aux « étrennes » antiques. Cette coutume est aujourd’hui presque disparue. Je le regrette. Elle emplissait de vie, de bruyante gaîté, la tristesse grise et morte de l’hiver breton.

Un autre usage qui s’en va et qui, sous une forme plus burlesque, se rattachait sans doute à des origines non moins archaïques, est celui de « la soupe au lait », M. de la Villemarqué a très joliment exposé, dans une des notes du Rarzaz-Breiz, en quoi il consistait. J’ai eu la chance, désormais rare, de le voir pratiquer, à une noce. On avait dansé, sous la grange, jusqu’à une heure assez tardive. Soudain, les ébats s’interrompirent, garçons et filles d’honneur entraînèrent les jeunes époux vers le lit nuptial, et les forcèrent de se coucher, pendant que le reste des invités attendait, au dehors. Puis, les portes de la chambre furent ouvertes, et tout le monde entra.