Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/111

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leur mère, d’un parent ou d’une autre personne quelconque, qu’ils disaient leur être apparue, après sa mort. Moi, incrédule, alors, je plaisantais, je me moquais même un peu d’eux, leur disant qu’ils avaient rêvé tout cela, ou que leurs sens étaient troublés, qu’ils avaient sans doute bu trop de cidre ou d’eau-de-vie, et autres choses semblables, et je les renvoyais et leur défendais de croire à de pareilles sottises. Mais, ils revenaient presque toujours, pleurant et suppliant, disant qu’ils étaient obsédés par des apparitions et ne pouvaient plus dormir ni trouver aucune tranquillité d’esprit. Je restais inflexible, je les rebutais, et ils allaient s’adresser ailleurs.

Quand j’arrivai à Plouaret, la première messe qui m’y fut commandée, ce fut par une femme qui me dit avoir vu, à trois reprises différentes, sa grand’mère, morte depuis quelque temps déjà. Je la reçus suivant mon habitude en pareil cas, et fis de mon mieux pour lui persuader qu’elle n’avait point vu sa grand’mère et qu’il ne fallait pas ajouter foi à de pareilles superstitions. Elle s’en alla peu satisfaite, et nullement convaincue. Je réfléchis beaucoup sur ce sujet ; je consultai ma raison, mes livres anciens et nouveaux, la Bible, les pères de l’Église, et je vis que je pouvais être superstitieux, dans la bonne acception du mot, sans être en désaccord ni avec la Bible, ni avec les pères de l’Église, et aussi sans me trouver en trop mauvaise compagnie. La liste des grands hommes qui ont été superstitieux