Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/213

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J’en parlai à Charlès, un dimanche, comme nous revenions ensemble de la messe. Charlès me confirma une partie des bruits répandus, tout en reconnaissant qu’il y avait beaucoup d’exagération dans tout ce que l’on débitait de-ci et delà. Il me dit que, presque toutes les nuits, vers onze heures et plus tard, on entendait marcher dans la chambre, au-dessus de la cuisine, puis le lutin ou le diable, — car personne ne l’avait jamais vu, — descendait l’escalier, et l’on entendait distinctement le bruit de ses pas sur les marches. Au bas de l’escalier se trouvait un lit, où couchait la servante, et contre ce lit était un vieux bahut de chêne. Il montait d’un bond sur le bahut, se penchait sur le lit, et la servante sentait son souffle empesté et son haleine qui soulevait ses cheveux sur son front. Alors, le diable s’approchait du foyer de la cuisine, visitait le buffet et la table, et on l’entendait manger ; et cependant, les chats miaulaient d’une façon sinistre, les hiboux leur répondaient dehors, et tout cela était effrayant et faisait dresser les cheveux sur la tête.

Au chant du coq, tout bruit cessait, tout rentrait dans le silence. On avait entrevu, quelquefois, sous un rayon de la lune, comme des cornes et de longs poils noirs, ce qui faisait croire à un diable. La servante avait quitté son lit, au bas de l’escalier, préférant coucher à l’étable, et personne ne l’y avait remplacée.