Aller au contenu

Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fois, — vous perdez la tête, Tugdual ! N’allez pas faire cela ; vous attaquer au diable ! Songez donc ! Mais vous le dites sans doute pour plaisanter, n’est-ce pas, Tugdual ?

— Je ne plaisante pas du tout, je parle sérieusement, et je suis prêt à faire ce que j’ai dit, si quelqu’un d’ici veut m’accompagner.

Nous étions là nombreux. Un silence profond se fit, à cette proposition. Je dis tout à coup :

— Eh ! bien, Kerlann, je suis ton homme ! je te suivrai ; non pas par bravade ni forfanterie. Si nous voyons ou entendons le diable ou le revenant, nous lui parlerons, nous l’interrogerons, et peut-être nous répondra-t-il, et nous verrons ce qu’il dira et saurons à quoi nous en tenir sur le diable de Guernaham.

C’était un jeudi soir. On prit jour pour le samedi suivant, dix du mois de janvier, et l’on avertit Charlès Keriot.

Le samedi suivant donc, vers neuf heures, nous partîmes ensemble, Tugdual Kerlann et moi, quoiqu’on pût nous dire pour nous détourner de notre projet. Nous bûmes chacun une bonne écuellée de cidre, nous trempâmes nos doigts dans le bénitier de la maison et nous nous signâmes, puis nous nous mines en route, à la grâce de Dieu.

Il avait abondamment neigé, depuis trois jours ; le vent soufflait du nord, et il faisait un froid très-vif. Quand nous arrivâmes au bois de Guernaham, les hiboux et les frésaies piaulaient et voltigeaient au-dessus de nos têtes, et