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Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/54

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coin de l’âtre, me réjouissant de voir la veillée prendre cette tournure dès l’abord, et je ne perdais rien de ce qui se disait. Voici donc comment s’engagea la conversation, ce soir-là, et tout ce qui se dit, jusqu’à l’heure d’aller se coucher.

— Fanch Ar Floc’h, dit tout à coup le petit pâtre, nommé Le Gwénédour (Vannetais), contez-nous donc ce qu’on a vu, ces jours derniers, à Kerlavrec.

— Est-ce qu’on y a vu quelque chose de surnaturel ? fis-je, des lutins, des revenants ?

— Il paraît qu’en effet on a vu quelque chose, dit Jolory.

— Voyons, contez-nous cela, Fanch Koz (vieux François).

— Quand je vous le disais, dit Ar Floc’h, que, la nuit, on entendait des bruits étranges et surnaturels dans la grange où je couche, à Kerlavrec, et qu’il faut n’être pas un poltron ni un peureux pour y rester, vous me riiez au nez et prétendiez que j’avais rêvé !

— Pour moi, dit Fancho, un ancien domestique de Kerlavrec, je n’ai jamais douté de la véracité des récits de Fanch Ar Floc’h, et pour de bonnes raisons, c’est que j’ai moi-même entendu tout ce qu’il assure avoir entendu ; et c’est si vrai, que je dis un jour à mon maître que, s’il ne me faisait coucher ailleurs, je préférais le quitter. Et cependant, sans vanterie, je ne suis ni poltron, ni peureux, et je tenais aussi beaucoup à mon maître.