Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/74

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que l’on se moquerait de moi et qu’on me traiterait de poltron me retint. Je me mis donc à battre mes chevaux à tour de bras et je passai au galop devant les lumières, qui restèrent immobiles, comme devant, et aucune voix, aucun bruit ne se fît entendre. Cependant, je fus pris d’une frayeur telle, qu’il me semblait que mes chevaux m’enlevaient dans l’air. Je ne dis rien à personne de ce qui m’était arrivé ; mais, j’étais honteux de moi-même, et je voulais en avoir le cœur net et savoir à quoi m’en tenir. M’armant donc de courage et de résolution, j’y retournai seul, la nuit suivante, et à la même heure. Quand j’entrai dans le chemin noir, les lumières étaient à la même place, plus brillantes que jamais. Je fis le signe de la croix et marchai droit sur elles. Devinez ce qui m’avait causé tant de frayeur ; je vous le donne en cent.

— Un lutin, dit Ar Gwénédour, le petit pâtre. — Non.

Paotrik he skod tàn (le petit homme au tison enflammé), dit Marianna. — Non.

— Les yeux d’un chat, dit Jolory. — Pas davantage.

— Un hibou, alors, dit Ann Drane. — Vous n’y êtes pas.

— Du bois pourri, dit Pipi ar Morvan.

— Oui ; Pipi a trouvé : c’était tout simplement un vieux tronc de hêtre pourri et phosphorescent qui brillait ainsi, dans l’obscurité !