Page:Lyautey - Du role colonial de l armee, Armand Colin, 1900.djvu/40

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debout derrière sa ligne de tirailleurs déployés, en commandant le dernier feu de salve de la journée, après avoir combattu tout le jour. S’était-il démilitarisé, celui-là ?

Ses compagnons l’ont enseveli dans un grand drapeau tricolore sous les plis duquel il dort là-bas, sur la frontière de Chine. J’ai revu sa tombe quelques mois après, parmi des rizières mûres, auprès d’un marché ressuscité, dans ce coin de terre que, depuis vingt ans de piraterie, toute vie avait quitté.

Il n’était pas mort pour rien. Et c’est la grandeur de la guerre coloniale ainsi comprise, c’est qu’elle seule fait de la vie.

Et si des humbles je passe à ceux qui sont déjà, tout vivants, entrés dans la légende, était-il démilitarisé par trois années de brousse le jeune chef qui, de l’Oubanghi au haut Nil, obtenait de ses officiers, de sa troupe, les prodiges d’énergie presque surhumains que chacun sait ? Avait-il, loin du contact des écoles, perdu un atome de sa prudence, de son jugement, l’homme qui savait dire au sirdar égyptien les paroles mesurées et fermes dont notre patriotisme vibre encore ?


Il y a dix ans, descendant le bas Danube jusqu’à son embouchure, je rencontrai à Soulina