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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/218

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RIENZI.

dame et voyait que même sa présence ne suffisait point pour y ramener le sourire et les fraîches couleurs d’autrefois. Souvent il maudissait ce fatal serment de son ordre de chevalerie qui lui interdisait le mariage, même avec une personne d’un rang plus élevé que le sien ; et le remords jetait de l’amertume dans ses heures les plus fortunées. Cette charmante dame, dans ce repaire de brigands, arrachée à tout ce qu’elle avait toujours eu de plus cher, mère, amis, bonne réputation, n’en aimait son séducteur qu’avec plus de passion ; tous ses sentiments de femme, toutes ses affections tendres n’en renonçaient qu’avec plus d’ardeur à des tendresses moins coupables pour se concentrer sur cet unique amour. Pourtant elle sentait sa honte, bien qu’elle s’efforçât de la cacher, et une douleur encore plus déchirante que celle de la honte même dévorait à la fois son énergie morale et minait, consumait sa santé. Néanmoins, en même temps, la présence de Montréal la rendait heureuse, même dans ses regrets ; et dans le dépérissement de sa santé, elle avait au moins une consolation, l’espoir de mourir avant que l’amour dont elle était l’objet eût reçu la moindre atteinte. Quelquefois ils faisaient de courtes excursions (car l’état de trouble auquel le pays était en proie leur défendait de se promener loin du château) à travers les bois inondés de soleil, et le long de la mer, polie comme un miroir, qui donnait tant de charme à ce délicieux paysage ; ce mélange d’impressions tendres et sauvages, cette escorte terrible, la tente plantée dans quelque verte clairière de ces bois, en plein midi, le luth et la voix d’Adeline, ainsi que les farouches soldats groupés et écoutant à distance, auraient bien convenu à la muse de l’Arioste et se seraient singulièrement accordés avec ces temps étranges, désordonnés mais chevaleresques, où le Midi classique devint le théâtre du roman septentrional. Cependant Montréal poursuivait toujours ses communications secrètes avec le roi de Hon-