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Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 1, 1865.djvu/290

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RIENZI.

sera aux barons et aux étrangers eux-mêmes, donnera un exemple éclatant à toute l’Italie, et sera le premier tison d’un embrasement universel. Cela sera fait, et avec la pompe qui convient à une pareille décision.

— Cola, dit Nina hésitant : Votre esprit d’aigle monte souvent où le mien se fatigue à le suivre, mais ne portez point la hardiesse à l’excès.

— Eh ! ne prêchais-tu pas tout à l’heure une doctrine différente ? Pour être fort ne me fallait-il point paraître fort ?

— Que le sort vous protége, dit Nina avec un soupir de pressentiment.

— Le sort ! s’écria Rienzi, il n’y a pas de sort ! Entre la pensée et le succès, il n’y a qu’un agent, Dieu, et (ajouta-t-il d’un ton profondément solennel) je ne serai point abandonné. La nuit, des visions, même quand les bras m’entourent, le jour, des présages et des élans, excitants et divins, même au milieu de la foule animée, m’encouragent dans ma voie et me montrent le but. Maintenant, en ce moment même, une voix semble me glisser à l’oreille : Ne t’arrête pas, ne tremble pas, ne vacille pas, car l’œil de celui qui voit tout est ouvert sur toi, et la main du Tout-Puissant te protégera ! »

Comme Rienzi prononçait ces mots, sa figure pâlit, ses cheveux semblèrent se dresser, sa haute et fière personne trembla visiblement, et aussitôt il tomba sur un siége en se couvrant la figure de ses mains.

Un respectueux effroi gagnait Nina, tout habituée qu’elle était à ces émotions étranges et surnaturelles, plus singulières encore chez une personne qui dans la vie ordinaire était si calme, si imposante, si maîtresse d’elle-même. Mais à chaque degré nouveau de prospérité et de puissance, ces émotions semblaient augmenter en ardeur, comme si, dans un pareil accroissement, la superstition dévote et exagérée du tribun eût reconnu un