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RIENZI.

combattre, si pour combattre il est nécessaire d’avoir des soldats, alors il faut payer les soldats ; le peuple ne donnera-t-il pas quelque chose pour ses propres libertés, pour avoir des lois justes et la vie sauve ?

— Je ne sais pas, répliqua le forgeron, se grattant la tête d’un air un peu embarrassé, mais je sais que les pauvres gens ne veulent pas être surtaxés. Ils disent qu’ils sont mieux dans leurs affaires avec vous qu’avec les barons, auparavant, et c’est pour cela qu’ils vous aiment. Mais les hommes de travail, tribun, les pauvres gens qui ont des familles, doivent prendre soin de leur subsistance. Il n’y a pas un homme sur dix qui ait affaire à la loi, un homme sur vingt qui soit égorgé par les brigands d’un baron ; mais tous les hommes boivent et mangent et se sentent d’un impôt.

— Il est impossible que vous trouviez ce raisonnement-là bon, Cecco, dit gravement Rienzi.

— Eh ! tribun, je suis un honnête homme, mais j’ai une grosse famille à élever.

— Assez, assez ! dit promptement le tribun ; puis il ajouta d’un air distrait comme en se parlant à lui-même, mais tout haut : Je crois que nous avons été trop prodigues ; il faudrait mettre fin à ces cérémonies, et à ces spectacles.

— Comment ! s’écria Cecco, comment ! tribun, vous refuseriez une fête à ces pauvres diables ! Leur travail est assez dur, et leur seul plaisir est de voir vos belles parades et vos processions, car alors ils rentrent chez eux en disant : Voyez comme notre homme bat tous les barons ! quelle pompe il étale !

— Ah ! ils ne blâment point ma magnificence, alors ?

— La blâmer ? non ! Sans elle ils rougiraient de vous, et ne regarderaient le Bon État que comme une affaire misérable.

— Vos paroles, Cecco, sont peut-être plus sages qu’elles